Sur le marché du travail français, la notion de « senior » revêt depuis plusieurs décennies plus d’inconvénients que d’avantages pour les cadres. Même si, depuis quelques années, la recherche d’emploi et la reconversion professionnelle deviennent un peu plus faciles, du fait de la baisse du chômage des cadres ou de la réforme des retraites, il reste pertinent et nécessaire pour de les cadres seniors concernés de prendre le problème à bras le corps sans perdre de temps.

 

En latin le « senior » est étymologiquement « plus âgé » que les autres. Mais plus âgé que qui précisément ? L’âge à partir duquel on devient senior n’est pas gravé dans la loi française. Au sens de l’INSEE, ce terme désigne les cadres âgés de 50 ans et plus car, selon cet institut, c’est à partir de cet âge que les conditions d’accès et de maintien dans l’emploi deviennent difficiles au regard des autres catégories d’âge. D’autres organismes comme l’APEC ou Pôle emploi retiennent le seuil de 55 ans. Alors que certaines mesures gouvernementales dédiées aux seniors sont accessibles dès 45 ans, le CDD senior concerne quant à lui les plus de 55 ans. Plusieurs études montrent que la majorité des cadres, ainsi que la plupart des recruteurs s’accordent sur l’âge de 50 ans comme représentant le seuil au-delà duquel la recherche d’emploi devient plus difficile. Avec certaines nuances : si, après 50 ans le reclassement d’un informaticien de niveau moyen sera très difficile, pour certaines fonctions comme les ressources humaines, la finance ou le contrôle de gestion, les choses seront plus faciles. Il existe également une forte évolution de cette difficulté dans le temps : il y a 10 ans, quand le chômage global s’élevait à 12%, le reclassement professionnel à 50 ans était beaucoup plus difficile qu’en 2023 où le même chômage est de l’ordre de 7%, avec une nette difficulté pour les entreprises de pourvoir leurs besoins en cadres.

 

Peser sur les bons leviers

Différents facteurs tels que la qualité du parcours professionnel, l’âge, la qualité du réseau professionnel ont une forte influence sur la probabilité de retrouver un emploi rapidement. Il existe des leviers dont l’utilisation et essentielle, et sur lesquels les cadres peuvent agir facilement.

1 – Développer sa connaissance du marché du travail, afin d’affiner le projet professionnel.

Il s’agit pour les cadres seniors en reconversion professionnelle, de commencer par acquérir une bonne connaissance du marché du travail le concerne (secteurs en développement, entreprises dynamiques et recruteuses, etc.), une appréciation des profils recherchés par les entreprises du secteur d’activité ciblé (compétences recherchées, fourchettes de salaires), et une bonne connaissance des pratiques de recrutement, ainsi que des cabinets spécialisés en recherche de cadres. Il est à souligner que les atouts de ces profils des cadres seniors sont la qualité de leur expérience, leur fiabilité, et la bonne maîtrise de leur domaine d’expertise. Il est donc essentiel pour un candidat à un poste, de faire reconnaître ces atouts, surtout si l’expérience professionnelle est longue.

2 – Désamorcer les préjugés sur l’âge et adopter une posture « d’offre de service ».

En France, les recruteurs peuvent avoir des préjugés négatifs sur l’âge et l’adaptabilité des cadres seniors. Il faut donc adopter un positionnement dit « d’offreur de service », et non de demandeur d’emploi. Les cadres seniors, notamment ceux qui sont le plus proche de la retraite, peuvent en outre mettre en avant leur capacité à répondre à des besoins ponctuels ou de court terme des entreprises sur des postes où une opérationnalité immédiate est nécessaire. Pour les PME en recherche de profils polyvalents, leurs compétences métier et leur expérience en management peuvent être très pertinentes.

3 – Constituer, entretenir et mobiliser son réseau.

Les professionnels de l’accompagnement sont unanimes sur l’importance du réseau professionnel dans le processus de recherche d’emploi pour recueillir de l’information sur les besoins et projets de recrutement des entreprises, et surtout pour accéder aux postes qui n’ont pas fait l’objet d’une publication. Il s’agit donc de constituer et d’entretenir son réseau et sa connaissance du travail dans son secteur par une démarche de veille, tout au long de sa carrière, en anticipation éventuelle du chômage. Enfin il est important que la recherche d’emploi démarre le plus rapidement possible, ensuite à un rythme soutenu et de façon organisée et rigoureuse.

4 – Etre flexible sur ses critères de recherche et être disposé à faire des concessions.

De nombreux cadres seniors ont intégré la nécessité de faire des concessions pour accroître leurs chances de retour à une vie professionnelle motivante. Ces concessions portent en général sur la mobilité géographique et sur les prétentions salariales. Il est aussi possible, en fonction de l’âge et de l’expertise, d’envisager d’autres statuts d’emploi que le salariat en CDI. Cela peut être la meilleure solution pour un retour à l’emploi rapide. Ainsi, dès le début de la recherche, il importe d’être ouvert au CDD, à l’intérim management, ou à des formes alternatives d’emploi, comme le portage salarial, afin d’effectuer des missions de management de transition. Les cadres seniors, selon leur profil, peuvent aussi envisager la création d’entreprise ou une démarche de reprise d’affaire.

5 – Etre accompagné pour utiliser plus efficacement différents leviers.

L’accompagnement par des acteurs experts, (l’AVARAP, APEC, Pôle Emploi, cabinets spécialisés…) est un réel atout. Il permet en particulier aux cadres de mieux définir leur projet professionnel, de préciser leurs savoir-faire. Et de ne pas rester seuls. Cet accompagnement met à leur disposition une information ciblée, et les oriente vers des prestations dédiées, comme la préparation aux entretiens. Il apporte également des conseils divers, et facilite la maîtrise des canaux et outils, ce qui permet de gagner du temps. La participation à des groupes de pairs, à des ateliers ou à des clubs, leur permet également de constituer ou d’entretenir un réseau. De plus, ces échanges permettent de relativiser leur situation, de prendre du recul, de prendre mieux conscience de leurs compétences et donc de devenir plus efficaces dans leur recherche.

 

Peu d’aides adaptées aux besoins et à la situation les cadres

Contrairement aux ouvriers et employés, les diverses aides de l’Etat et les contrats aidés sont peu ou pas adaptés et ne sont pas utilisés par les cadres seniors en repositionnement professionnel. Car ces aides correspondent très peu aux attentes et aux besoins des cadres. En effet ces aides demandent un temps assez long de chômage pour pouvoir en bénéficier alors que l’objectif d’un cadre en recherche d’emploi, est un reclassement rapide (en moyenne de l’ordre de cinq à six mois dans un cabinet d’outplacement ou avec l’aide de l’APEC ). Par conséquent, il y peu d’adéquation entre les avantages de ces aides et les exigences des projets des cadres. En revanche, certains cadres seniors peuvent avoir un intérêt certain, pendant le temps de repositionnement, surtout entre 45 et 50 ans, à bénéficier d’une formation correspondant à leur projet.

Emile Biardeau